"Pour arrêter le virus, il faut tuer l’économie", a dit un expert financier américain. C’est le remède appliqué par de nombreux pays. C’est aussi le terrible dilemme vécu par de nombreuses entreprises durant cette crise générée par le Covid-19: sauver ses machines, sa production, ses investissements, et donc des emplois, ou sauver la vie des salariés qui font tourner ces machines, permettent cette production et rendent possibles ces investissements. Les entreprises ferment, les bourses agonisent et les habitants des quatre coins de la planète se confinent.
Nous sommes donc en guerre, une guerre d’un genre nouveau, mais une guerre quand même. Une guerre sanitaire créée par la «surconsommation», les « sur-déplacements », la « sur- mondialisation », et générant la « sur-destruction de l’environnement » et la « sur-pauvreté » ! Le drame est que l’on en est conscient, depuis quelques décennies déjà. La preuve en est les séries de COP organisées à travers la planète, de Rio (où se réunissent pour la première fois à ce sujet 178 pays en 1992) à Marrakech, Milan ou Bali et ce depuis un quart de siècle.
Depuis le début de cette pandémie, on remarque que les entreprises ayant les meilleures notations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) ont montré une plus forte résistance au choc économique et financier actuel. C’est la preuve de la pertinence de la RSE (responsabilité sociétale d’entreprise) et de la nécessité d’intégrer l’analyse extra-financière dans l'évaluation des sociétés.
Longtemps considérée comme un gadget, voire juste un outil « publicitaire » servant à améliorer l’image de l’entreprise, la Responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) fait une fois de plus la preuve de son utilité en cette période de crise. Quelques semaines avant l’explosion de la pandémie, l’agence américaine Bloomberg mettait en avant la superformance des fonds ESG, qui regroupent les valeurs les plus durables parmi l’indice S&P500 qui couvre 80% de la capitalisation boursière américaine. Depuis la mise en quarantaine de l’économie mondiale, cette bonne tenue se confirme.
Les entreprises les mieux notées sur Glassdoor, (la plateforme qui recense les avis des salariés), surperforment selon le Financial Times. Parmi les aspects scrutés pendant cette crise : la protection sanitaire et sociale des salariés, la politique de congés, de garde d’enfants, de télétravail ou de chômage. Tous ces points, considérés jusqu’à très récemment comme des préoccupations simplement techniques, du ressort des RH se trouvent, comme par magie propulsées au sommet des entreprises, voire des Etats et brusquement, devenus des éléments hautement stratégiques, pour le « monde d’après ».
Cette crise doit donc être un booster pour tout ce que l’on n’osait pas. Elle doit nous permettre de mettre en perspective les comportements vertueux qui ont fleuri ici et là, et donc de (re)mettre l’humain au centre du « monde d’après ». Comportements vertueux qui constituent les bases mêmes de la RSE. En 2011 déjà, Vineet Nayar dans son livre «Les Employés d'abord, les clients ensuite» affirmait que « prendre soin de ses collaborateurs permet de mieux prendre soin de l'environnement. Intégrer les valeurs de la RSE (bienveillance, responsabilité, transparence, respect et équité notamment) dans le management permet de mieux mettre en pratique la RSE ».
Cette crise nous rappelle également, qu’il existe un monde en dehors de celui de l’entreprise, un monde qui sert ceux qui vivent en entreprise. Ce monde des milliers d’emplois informels, indispensables à notre vie mais qui jusque là étaient « transparents ». De la femme de ménage au kessal de hammam, en passant par le gardien de voiture ou le marchand des 4 saisons en charrette ! Ce monde là, il va falloir également, rapidement, le prendre en charge, le structurer, le « formaliser ». Et en cela, le rôle de l’entreprise « citoyenne », longuement décrit par la RSE devra être déployé le plus largement possible.
Pour dépasser la terrible crise que nous vivons aujourd’hui, et faire en sorte que ça ne puisse plus se reproduire, avec une telle ampleur mondiale, l’entreprise publique et privée, comme les institutions ou le simple citoyen, nous devons désormais tous réfléchir durable et agir durable. Il en va de la survie de la planète !
Ikram Bghiel, DRH